Mon
aventure Steenwerckoise de l'année dernière ayant été couronnée de
succès j'avais décidé assez tôt de remettre le couvert et surtout de me
préparer un peu mieux ( c 'est à dire de me préparer tout court).
Steenwerck est ainsi devenu mon objectif principal de la saison. Une
fois ce long hiver terminé, j'entrepris, afin que mes jambes
emmagasinent un maximum de kilomètres, de m'aligner à tous les 6h
possibles ; j'en fis finalement trois en un mois et demi : La Gorgue, où
j'établis un nouveau record personnel, Buc, et Loos.
L'état dans lequel je finis ce dernier m'inquiéta quelque peu : en avais-je trop fait ? D'autant qu'entre temps j'avais aussi couru le semi de L'Alternative, le 10km de Quand Lomme Court, le semi de Roncq et La Nocturne Lille Métropole (le veille de Loos, ceci expliquant peut-être cela ).
Je m'imposai donc quelques semaines de repos, le temps que mon genou, toujours aussi rebelle, se calme un peu, tout juste m'autorisai-je quelques sorties en attendant la PPG rituelle made in Chtigrincheux, prélude indispensable aux 20km de Maroilles.
Les spécialistes apprécieront (ou pas) le côté anarchique de la préparation. Il faudrait peut-être que je m'inscrive dans un club un de ces jours...
A une semaine du départ j'étais impatient d'en découdre mais nourrissais une sourde appréhension : et si mon exploit de l'année dernière n'avait été qu'un immense coup de chance ? Et si mon genou (et pourquoi pas le deuxième, les deux m'ayant méchamment titillé à Loos) décidait soudain de se réveiller pour de bon, m'obligeant à l'abandon ? Étais-je vraiment fait pour ce genre de distance ? n 'en avais-je pas trop fait en enchaînant les 6 heures de la sorte ?
Bref, ça cogitait sec dans ma caboche ! D'autant que les prévisions météo n'étaient pas franchement réjouissantes : depuis une semaine on prévoyait de la pluie mercredi et jeudi. Je ne me voyais pas courir toute une nuit sous le déluge, mais à mesure que la date fatidique approchait les prévisions se faisaient plus optimistes.
Il était temps d'arrêter de se chercher de fausses excuses, je serais donc au départ de l'édition 2013 des 100 km de Steenwerck.
Des 100 kilomètres tout neufs, car le tracé a été retravaillé : au lieu des légendaires et redoutables 5 boucles, c 'est maintenant trois tours de circuit qui nous sont proposés, ou plutôt six, le parcours forme un huit dont le point de jonction est la salle de sport.
Pour avoir effectué un repérage en compagnie de Vivien j'étais quelque peu inquiet quant à certains passages où les coureurs risqueraient, au choix, de quitter malencontreusement le parcours ou de se tordre la cheville, ces derniers étant tout de même moins nombreux que sur l'ancien circuit.
Mercredi 8 mai, donc. Jour férié, grasse matinée... non justement! j'ai plutôt mal dormi et me réveille tôt sans pouvoir retrouver le sommeil. Ca commence bien ! En attendant l'heure du départ je comate plus ou moins devant la télé ou sur internet, je refais trois fois mon sac (que j'avais déjà fait, défait et refait de nombreuses fois les jours précédents)...
L'heure de me mettre en route pour Steenwerck approche, et juste au moment où je m'apprête à sortir c 'est le déluge ! Des trombes d'eau, des éclairs... un véritable gag à la Tex Avery! Trop tard pour me dégonfler, j'ai dit à tout le monde que j'y allais, donc c 'est parti mon kiki!
La pluie s'arrête de tomber assez vite et c 'est le soleil qui m'accueille à Steenwerck. Devant la salle de sport je retrouve Vivien et sa sœur, qui sera notre accompagnatrice à vélo sur les deux derniers tours, leur papa se chargeant du premier.
« J'ai une de ces PATATE !!! » hurle Vivien alors que je gagne la table des inscriptions. Ce ne sera pas la dernière fois, loin de là, puisqu'il répétera ce cri de guerre comme un mantra tout au long de la nuit, deux à trois fois par kilomètre, je vous laisse faire le calcul et imaginer ce qu'ont subi mes oreilles durant cette course !
Vivien et les 100km de Steenwerck c 'est avant tout une histoire d'amour, une relation symbiotique : il peut être complètement à la ramasse les jours précédant l'échéance, lorsqu'arrive le moment du départ il renaît de ses cendres, chaque pas semblant lui apporter un supplément d'énergie, et à une heure et demi du départ il est déjà remonté comme un coucou, un vrai pois sauteur.
Les concurrents arrivent en un flot continu, et nous avisons bientôt l'imposante carcasse de Fidji ('1m92, plus de 100kg, belle bête!), qui s'est décidé au dernier moment pour nous accompagner sur le premier tour (37km donc), mais avant tout, une petite bière, et pour ma part un sandwich-merguez.
L'heure du départ approche, nous regagnons nos véhicules respectifs afin de nous équiper et gagnons ensuite la ligne de départ. Cette fois je n'oublie pas de voter et nous nous laissons bientôt emporter par le flot humain et multicolore dans les rues du village pour une espèce de tour d'honneur. Vivien fait sensation avec son costume d'Emir du Qatar. Emportés par la liesse populaire et l'enthousiasme du peloton nous forçons un peu l'allure, mais Fidji, coaché par Chtigrincheux lors de son Steenwerck à lui, nous répète les sages paroles du Maître : « doucement les gars ! Sur un 100 bornes tu pars lentement, ensuite tu ralentis, tu ralentis encore, et là tu vas encore trop vite ». Pour ma part je m'imprègne de la lumière du soleil, de la douceur de l'air et des encouragements des spectateurs, je savoure ce moment tant attendu que redouté: cette fois ça y est, je suis parti pour mon deuxième 100 kilomètres !
Après une petite balade dans le village nous entamons la première boucle proprement dite et au pied du premier pont de TGV nous retrouvons le père de Vivien.
Premier pont, première pause, mais pour les conneries pas de répit ! Vivien tient à ce que chaque habitant de Steenwerck et des environs sache à quel point il a la patate et Fidji n 'est pas en reste, c'est juste qu'il ne fait pas dans le comique de répétition.
Il fait beau, le soleil brille, les canard volent dans l'air du soir, les cerf-volants poussent sur les lignes électriques...
Les premiers kilomètres en empruntent quelques uns au précédent parcours, mais dans l'autre sens, on peut encore distinguer les marques, curieusement plus visibles que celles de la présente édition; la crise à frappé là aussi, les organisateurs ont dû manquer de peinture.
Un peu avant le premier ravito Fidji, qui avait de plus en plus de mal à nous suivre ( il n'a pratiquement pas couru ces deux dernières années) nous enjoint à poursuivre à notre allure. Etant donné l'état dans lequel il était nous pensions qu'il allait abandonner à la fin de la première boucle, mais nous apprendrons à l'arrivée qu'il est allé au bout de ses 37km! Coriace le gaillard !
Le deuxième ravito est situé à Croix Du Bac, là où l'on pouvait croiser les autres concurrents l'année dernière et traverse la même salle des fêtes, mais le groupe de musiciens n 'est pas là cette année, encore un effet secondaire de cette maudite crise!. Quelques kilomètres plus loin c 'est la fin de la première boucle. 21Km au compteur, nous passons en mode course de nuit: coupe-vent et frontale, une opération, comme tous nos arrêts, méticuleusement chronométrée par Vivien.
Des deux boucles la deuxième est largement la plus plaisante, sans doute parcequ'elle ne doit rien à l'édition précédente et nous permet de découvrir des paysages inédits, le fait qu'il semble y avoir moins de lignes droites doit jouer également, le temps paraît ainsi moins long.
Un pont d'autoroute (la boucle 2 est celle des ponts d'autoroute, la première restant celle des ponts de TGV, chacun sa spécialité), un passage sur un sentier longeant l'autoroute, ravito à la gare, re-pont d'autoroute et retour vers Steenwerck.
Peu après le dernier ravito/contrôle nous sommes témoins d'un accident, heureusement sans gravité : un accompagnateur à vélo manquant de vigilance file tout droit dans le fossé ! Plus de peur que de mal, il a juste un peu mouillé ses chaussures, mais c 'est quand même impressionnant quand cela se produit sous vos yeux !
Premier tour de circuit couvert en 4h45, nous changeons d'accompagnateur, je mets un sweat shirt et c 'est reparti.
Alors que nous sommes encore dans le village je manque de quitter le parcours. Il faut dire que suivre des lignes jaunes-blanches ou bleu pâle en pleine nuit n 'est pas une tâche des plus aisées et qu'à cet endroit il n'y a pas de signaleur. Heureusement Vivien veille au grain et nous remet dans le droit chemin.
A mi-chemin du premier ravito je suis obligé de marcher quelques mètres. L'année dernière j'avais attendu la fin du 4è tour pour marcher, pas la forme ce soir, et ce mal de ventre n'arrange pas les choses. Je tiens jusqu'à Croix Du Bac où il y a de vraies toilettes mais sans succès. Je me traîne encore jusque Steenwerck, enfin c 'est surtout Vivien qui me traîne, et je peux enfin me soulager. Sans doute le sandwich merguez qui se rappelait à mon bon souvenir.
Quoi qu'il en soit je vais beaucoup mieux, mais je dois toujours faire des pauses « marche » régulièrement.
Nous sommes à mi-parcours et le retard accumulé ne nous permettra pas de tutoyer le record de Vivien établi l'année dernière ( moins de 13h!), il me reste encore l'espoir de terminer sous les 14h, même si Vivien tient avant tout à terminer sans se mettre la pression avec un quelconque objectif horaire, mais il ne faudra pas trainer.
Lors de la deuxième boucle, après avoir été rattrapés puis dépassés par la tête de course, nous jouons au yoyo avec un groupe arborant les couleurs du jogging club de Colembert, dans le Pas de Calais, nous restons même un moment en leur compagnie mais ils font de plus longues pauses « marche » que nous et nous finissons par les distancer.
3è et dernier tour. Les premières lueurs de l'aube apparaissent à l'est, nous évitons de justesse de marcher sur un couple de canards, Vivien tient toujours " une de ces PATATE!!!" et je suis de plus en plus épuisé, mais pas au point d'avoir des visions comme l'année dernière, d'ailleurs je ne ressens pas le besoin de boire du café. De toute façon je ne peux plus rien avaler, même ma boisson énergétique m'écoeure, il n'y a que la soupe qui passe.
A la sortie de la salle des fêtes de Croix du Bac ça va un peu mieux mais à l'entame de la dernière boucle je dois encore faire des pauses régulières, de plus l'un de mes orteils commence à être douloureux, j'aurais peut être dû refaire mes pansements.. Curieusement je marche plus vite que Vivien tandis que lui court (enfin trottine) plus rapidement, si bien que nos allures s'équilibrent plus ou moins. Par contre je suis de plus en plus fatigué et je ne dis plus grand chose, j'intériorise, silence radio. Qu'importe, Vivien a de la gouaille pour deux et clame encore tous les 300 mètres qu'il a « une de ces PATATE !!! ». A ce propos, une idée lui vient et il demande à sa sœur d'appeler son père pour qu'il lui apporte quelque chose avant l'arrivée.
Je fais l'accordéon avec Vivien jusqu'au dernier ravito, le temps pour les trois premiers de la course du matin de nous enrhumer, et là surprise, à quatre kilomètres de l'arrivée, je retrouve des forces. Nous avons fait et refait nos calculs des dizaines de fois depuis l'entame de cette dernière boucle et il apparaît que nous pouvons encore finir en moins de 14h. Ce sera serré, mais c 'est faisable. Vivien m'interdit de marcher de nouveau : on termine en courant !
Peu après le kilomètre 97 le père de Vivien nous retrouve, remet à Vivien sa patate, qu'il a l'intention de brandir sur la ligne d'arrivée, et nous filme : plus question alors de craquer, j'accélère! Au kilomètre 99 nous accélérons encore ! À 500m de l'arrivée notre cameraman nous a distancés pour immortaliser notre arrivée depuis l'intérieur de la salle et je jette mes dernières forces dans une dernière accélération qui manque de surprendre Vivien et c 'est ensemble que nous passons la ligne d'arrivée en 13h59mn 59s, la patate portée bien haut !
Mission accomplie, mais je suis complètement mort !
I did it! j'ai confirmé mon statut de centbornard, en battant ma précédente marque de plus d'une heure, quant à Vivien il signe là son troisième meilleur chrono et il aurait pu faire bien mieux s'il n'avait dû m'attendre à partir de la mi-course!
L'affichage me cause une légère déception cependant : je suis crédité de 3 secondes de plus que Vivien, si bien que je suis au delà des 14h... pour deux secondes ! La saisie des résultats se faisant à la main il y a forcément un décalage entre deux personnes arrivant en même temps.
Qu'importe : nous savons tous deux ce que nous avons accompli !
Direction la douche, où je découvre que l'ongle d'un de mes orteils est tout noir. Voilà donc pourquoi il me faisait souffrir lors du dernier tour ! Je m'attends à le perdre dans les jours qui suivent.
Une fois propres il est temps de fêter dignement notre exploit: petite tournée de bière en regardant les autres concurrents en finir ou repartir pour un tour, ou deux.
Vers midi, le père de Vivien revient avec une bouteille de champagne, que nous faisons descendre avec force frites!
Je dors debout (enfin, assis) mieux vaut ne pas risquer de rentrer pour ensuite revenir au soir assister à la cérémonie protocolaire, aussi je décide de comater dans ma voiture. Je ne dors pas vraiment, mais le repos me fait du bien et c 'est plus ou moins ragaillardi que je regagne la salle de sport pour assister à l'arrivée des derniers concurrents avant la cérémonie protocolaire qui scelle ces 38è 100km de Steenwerck au terme de laquelle tous les "centbornards" encore présent sont priés de monter sur le podium. Evidemment c 'est en descendant que les jambes protestent le plus! je vais encore marcher comme un canard pendant quelques jours.
L'année prochaine le départ aura lieu le 28 mai, le jour de mon anniversaire, impossible de manquer ça !
L'état dans lequel je finis ce dernier m'inquiéta quelque peu : en avais-je trop fait ? D'autant qu'entre temps j'avais aussi couru le semi de L'Alternative, le 10km de Quand Lomme Court, le semi de Roncq et La Nocturne Lille Métropole (le veille de Loos, ceci expliquant peut-être cela ).
Je m'imposai donc quelques semaines de repos, le temps que mon genou, toujours aussi rebelle, se calme un peu, tout juste m'autorisai-je quelques sorties en attendant la PPG rituelle made in Chtigrincheux, prélude indispensable aux 20km de Maroilles.
Les spécialistes apprécieront (ou pas) le côté anarchique de la préparation. Il faudrait peut-être que je m'inscrive dans un club un de ces jours...
A une semaine du départ j'étais impatient d'en découdre mais nourrissais une sourde appréhension : et si mon exploit de l'année dernière n'avait été qu'un immense coup de chance ? Et si mon genou (et pourquoi pas le deuxième, les deux m'ayant méchamment titillé à Loos) décidait soudain de se réveiller pour de bon, m'obligeant à l'abandon ? Étais-je vraiment fait pour ce genre de distance ? n 'en avais-je pas trop fait en enchaînant les 6 heures de la sorte ?
Bref, ça cogitait sec dans ma caboche ! D'autant que les prévisions météo n'étaient pas franchement réjouissantes : depuis une semaine on prévoyait de la pluie mercredi et jeudi. Je ne me voyais pas courir toute une nuit sous le déluge, mais à mesure que la date fatidique approchait les prévisions se faisaient plus optimistes.
Il était temps d'arrêter de se chercher de fausses excuses, je serais donc au départ de l'édition 2013 des 100 km de Steenwerck.
Des 100 kilomètres tout neufs, car le tracé a été retravaillé : au lieu des légendaires et redoutables 5 boucles, c 'est maintenant trois tours de circuit qui nous sont proposés, ou plutôt six, le parcours forme un huit dont le point de jonction est la salle de sport.
Pour avoir effectué un repérage en compagnie de Vivien j'étais quelque peu inquiet quant à certains passages où les coureurs risqueraient, au choix, de quitter malencontreusement le parcours ou de se tordre la cheville, ces derniers étant tout de même moins nombreux que sur l'ancien circuit.
Mercredi 8 mai, donc. Jour férié, grasse matinée... non justement! j'ai plutôt mal dormi et me réveille tôt sans pouvoir retrouver le sommeil. Ca commence bien ! En attendant l'heure du départ je comate plus ou moins devant la télé ou sur internet, je refais trois fois mon sac (que j'avais déjà fait, défait et refait de nombreuses fois les jours précédents)...
L'heure de me mettre en route pour Steenwerck approche, et juste au moment où je m'apprête à sortir c 'est le déluge ! Des trombes d'eau, des éclairs... un véritable gag à la Tex Avery! Trop tard pour me dégonfler, j'ai dit à tout le monde que j'y allais, donc c 'est parti mon kiki!
La pluie s'arrête de tomber assez vite et c 'est le soleil qui m'accueille à Steenwerck. Devant la salle de sport je retrouve Vivien et sa sœur, qui sera notre accompagnatrice à vélo sur les deux derniers tours, leur papa se chargeant du premier.
« J'ai une de ces PATATE !!! » hurle Vivien alors que je gagne la table des inscriptions. Ce ne sera pas la dernière fois, loin de là, puisqu'il répétera ce cri de guerre comme un mantra tout au long de la nuit, deux à trois fois par kilomètre, je vous laisse faire le calcul et imaginer ce qu'ont subi mes oreilles durant cette course !
Vivien et les 100km de Steenwerck c 'est avant tout une histoire d'amour, une relation symbiotique : il peut être complètement à la ramasse les jours précédant l'échéance, lorsqu'arrive le moment du départ il renaît de ses cendres, chaque pas semblant lui apporter un supplément d'énergie, et à une heure et demi du départ il est déjà remonté comme un coucou, un vrai pois sauteur.
Les concurrents arrivent en un flot continu, et nous avisons bientôt l'imposante carcasse de Fidji ('1m92, plus de 100kg, belle bête!), qui s'est décidé au dernier moment pour nous accompagner sur le premier tour (37km donc), mais avant tout, une petite bière, et pour ma part un sandwich-merguez.
L'heure du départ approche, nous regagnons nos véhicules respectifs afin de nous équiper et gagnons ensuite la ligne de départ. Cette fois je n'oublie pas de voter et nous nous laissons bientôt emporter par le flot humain et multicolore dans les rues du village pour une espèce de tour d'honneur. Vivien fait sensation avec son costume d'Emir du Qatar. Emportés par la liesse populaire et l'enthousiasme du peloton nous forçons un peu l'allure, mais Fidji, coaché par Chtigrincheux lors de son Steenwerck à lui, nous répète les sages paroles du Maître : « doucement les gars ! Sur un 100 bornes tu pars lentement, ensuite tu ralentis, tu ralentis encore, et là tu vas encore trop vite ». Pour ma part je m'imprègne de la lumière du soleil, de la douceur de l'air et des encouragements des spectateurs, je savoure ce moment tant attendu que redouté: cette fois ça y est, je suis parti pour mon deuxième 100 kilomètres !
Après une petite balade dans le village nous entamons la première boucle proprement dite et au pied du premier pont de TGV nous retrouvons le père de Vivien.
Premier pont, première pause, mais pour les conneries pas de répit ! Vivien tient à ce que chaque habitant de Steenwerck et des environs sache à quel point il a la patate et Fidji n 'est pas en reste, c'est juste qu'il ne fait pas dans le comique de répétition.
Il fait beau, le soleil brille, les canard volent dans l'air du soir, les cerf-volants poussent sur les lignes électriques...
Les premiers kilomètres en empruntent quelques uns au précédent parcours, mais dans l'autre sens, on peut encore distinguer les marques, curieusement plus visibles que celles de la présente édition; la crise à frappé là aussi, les organisateurs ont dû manquer de peinture.
Un peu avant le premier ravito Fidji, qui avait de plus en plus de mal à nous suivre ( il n'a pratiquement pas couru ces deux dernières années) nous enjoint à poursuivre à notre allure. Etant donné l'état dans lequel il était nous pensions qu'il allait abandonner à la fin de la première boucle, mais nous apprendrons à l'arrivée qu'il est allé au bout de ses 37km! Coriace le gaillard !
Le deuxième ravito est situé à Croix Du Bac, là où l'on pouvait croiser les autres concurrents l'année dernière et traverse la même salle des fêtes, mais le groupe de musiciens n 'est pas là cette année, encore un effet secondaire de cette maudite crise!. Quelques kilomètres plus loin c 'est la fin de la première boucle. 21Km au compteur, nous passons en mode course de nuit: coupe-vent et frontale, une opération, comme tous nos arrêts, méticuleusement chronométrée par Vivien.
Des deux boucles la deuxième est largement la plus plaisante, sans doute parcequ'elle ne doit rien à l'édition précédente et nous permet de découvrir des paysages inédits, le fait qu'il semble y avoir moins de lignes droites doit jouer également, le temps paraît ainsi moins long.
Un pont d'autoroute (la boucle 2 est celle des ponts d'autoroute, la première restant celle des ponts de TGV, chacun sa spécialité), un passage sur un sentier longeant l'autoroute, ravito à la gare, re-pont d'autoroute et retour vers Steenwerck.
Peu après le dernier ravito/contrôle nous sommes témoins d'un accident, heureusement sans gravité : un accompagnateur à vélo manquant de vigilance file tout droit dans le fossé ! Plus de peur que de mal, il a juste un peu mouillé ses chaussures, mais c 'est quand même impressionnant quand cela se produit sous vos yeux !
Premier tour de circuit couvert en 4h45, nous changeons d'accompagnateur, je mets un sweat shirt et c 'est reparti.
Alors que nous sommes encore dans le village je manque de quitter le parcours. Il faut dire que suivre des lignes jaunes-blanches ou bleu pâle en pleine nuit n 'est pas une tâche des plus aisées et qu'à cet endroit il n'y a pas de signaleur. Heureusement Vivien veille au grain et nous remet dans le droit chemin.
A mi-chemin du premier ravito je suis obligé de marcher quelques mètres. L'année dernière j'avais attendu la fin du 4è tour pour marcher, pas la forme ce soir, et ce mal de ventre n'arrange pas les choses. Je tiens jusqu'à Croix Du Bac où il y a de vraies toilettes mais sans succès. Je me traîne encore jusque Steenwerck, enfin c 'est surtout Vivien qui me traîne, et je peux enfin me soulager. Sans doute le sandwich merguez qui se rappelait à mon bon souvenir.
Quoi qu'il en soit je vais beaucoup mieux, mais je dois toujours faire des pauses « marche » régulièrement.
Nous sommes à mi-parcours et le retard accumulé ne nous permettra pas de tutoyer le record de Vivien établi l'année dernière ( moins de 13h!), il me reste encore l'espoir de terminer sous les 14h, même si Vivien tient avant tout à terminer sans se mettre la pression avec un quelconque objectif horaire, mais il ne faudra pas trainer.
Lors de la deuxième boucle, après avoir été rattrapés puis dépassés par la tête de course, nous jouons au yoyo avec un groupe arborant les couleurs du jogging club de Colembert, dans le Pas de Calais, nous restons même un moment en leur compagnie mais ils font de plus longues pauses « marche » que nous et nous finissons par les distancer.
3è et dernier tour. Les premières lueurs de l'aube apparaissent à l'est, nous évitons de justesse de marcher sur un couple de canards, Vivien tient toujours " une de ces PATATE!!!" et je suis de plus en plus épuisé, mais pas au point d'avoir des visions comme l'année dernière, d'ailleurs je ne ressens pas le besoin de boire du café. De toute façon je ne peux plus rien avaler, même ma boisson énergétique m'écoeure, il n'y a que la soupe qui passe.
A la sortie de la salle des fêtes de Croix du Bac ça va un peu mieux mais à l'entame de la dernière boucle je dois encore faire des pauses régulières, de plus l'un de mes orteils commence à être douloureux, j'aurais peut être dû refaire mes pansements.. Curieusement je marche plus vite que Vivien tandis que lui court (enfin trottine) plus rapidement, si bien que nos allures s'équilibrent plus ou moins. Par contre je suis de plus en plus fatigué et je ne dis plus grand chose, j'intériorise, silence radio. Qu'importe, Vivien a de la gouaille pour deux et clame encore tous les 300 mètres qu'il a « une de ces PATATE !!! ». A ce propos, une idée lui vient et il demande à sa sœur d'appeler son père pour qu'il lui apporte quelque chose avant l'arrivée.
Je fais l'accordéon avec Vivien jusqu'au dernier ravito, le temps pour les trois premiers de la course du matin de nous enrhumer, et là surprise, à quatre kilomètres de l'arrivée, je retrouve des forces. Nous avons fait et refait nos calculs des dizaines de fois depuis l'entame de cette dernière boucle et il apparaît que nous pouvons encore finir en moins de 14h. Ce sera serré, mais c 'est faisable. Vivien m'interdit de marcher de nouveau : on termine en courant !
Peu après le kilomètre 97 le père de Vivien nous retrouve, remet à Vivien sa patate, qu'il a l'intention de brandir sur la ligne d'arrivée, et nous filme : plus question alors de craquer, j'accélère! Au kilomètre 99 nous accélérons encore ! À 500m de l'arrivée notre cameraman nous a distancés pour immortaliser notre arrivée depuis l'intérieur de la salle et je jette mes dernières forces dans une dernière accélération qui manque de surprendre Vivien et c 'est ensemble que nous passons la ligne d'arrivée en 13h59mn 59s, la patate portée bien haut !
Mission accomplie, mais je suis complètement mort !
I did it! j'ai confirmé mon statut de centbornard, en battant ma précédente marque de plus d'une heure, quant à Vivien il signe là son troisième meilleur chrono et il aurait pu faire bien mieux s'il n'avait dû m'attendre à partir de la mi-course!
L'affichage me cause une légère déception cependant : je suis crédité de 3 secondes de plus que Vivien, si bien que je suis au delà des 14h... pour deux secondes ! La saisie des résultats se faisant à la main il y a forcément un décalage entre deux personnes arrivant en même temps.
Qu'importe : nous savons tous deux ce que nous avons accompli !
Direction la douche, où je découvre que l'ongle d'un de mes orteils est tout noir. Voilà donc pourquoi il me faisait souffrir lors du dernier tour ! Je m'attends à le perdre dans les jours qui suivent.
Une fois propres il est temps de fêter dignement notre exploit: petite tournée de bière en regardant les autres concurrents en finir ou repartir pour un tour, ou deux.
Vers midi, le père de Vivien revient avec une bouteille de champagne, que nous faisons descendre avec force frites!
Je dors debout (enfin, assis) mieux vaut ne pas risquer de rentrer pour ensuite revenir au soir assister à la cérémonie protocolaire, aussi je décide de comater dans ma voiture. Je ne dors pas vraiment, mais le repos me fait du bien et c 'est plus ou moins ragaillardi que je regagne la salle de sport pour assister à l'arrivée des derniers concurrents avant la cérémonie protocolaire qui scelle ces 38è 100km de Steenwerck au terme de laquelle tous les "centbornards" encore présent sont priés de monter sur le podium. Evidemment c 'est en descendant que les jambes protestent le plus! je vais encore marcher comme un canard pendant quelques jours.
L'année prochaine le départ aura lieu le 28 mai, le jour de mon anniversaire, impossible de manquer ça !