Enfin!
Quinze ans après leur dernier album (The Spaghetti Incident) et près de vingt ans après leur dernières compositions originales, une nouvelle galette estampillée Guns N Roses trouve le chemin des bacs.
Passons rapidement sur les frasques du sieur William Bailey, qui a occupé ce laps de temps en virant tout le monde ( sauf Dizzy Reed, qui lui semble dévoué corps et âme), et à racheter à ses anciens amis leurs parts de « l’entreprise « Guns N’ Roses ». Et occasionnellement à se faire arrêter pour pétage de plombs en public, et de temps en temps en donnant des concerts avec de nouveaux musiciens.
Axl s’est entouré au fil des années de musiciens très compétents, qui ne sont pas tous restés étant donné le temps que l’album a mis à sortir. Sont ainsi passés dans le groupe d’Axl : Josh Freese ( actuel batteur de Nine Inch Nails ) Buckethead ( le guitariste sponsorisé par KFC), Brain ( batteur inconnu) et parmi ceux qui sont restés jusqu’à la sortie de l’album on peu citer Ron ‘Bumblefoot’ Thal, guitar hero de l’écurie Mike Varney, Paul Tobias (guitares), Robin Finck (ex- guitariste de Nine-Inch Nails, programmeur à l’occasion), Tommy Stilson à la basse, Cris Pitman à la basse, sub-bass ( !) et à la programmation, Frank Ferrer à la batterie et Richard Fortus (guitares).
Si vous avez bien compté, il y aurait donc à présent pas moins de deux bassistes ( !) et de quatre ( !!) guitaristes au sein des Guns N’ Roses, certains musiciens étant polyvanlents et pouvant à l’occasion jouer des claviers et s’occuper de la programmation des synthés.
Il est évident qu’avec un effectif aussi pléthorique il n’est plus question de garder l’esprit originel du groupe.
De fait, Chinese Democracy ( une allusion au mode de fonctionnement de la bande à Axl?) est donc davantage un album solo d’Axl Rose qu’un nouvel album des Guns N’ Roses.
Et là, je vous sens frémir.
Mais pour être une véritable tête de lard, le père Axl n’en est pas moins un très bon musicien et un excellent compositeur, après tout, pratiquement chaque chanson des Guns a été en partie composée par lui.
Ainsi retrouve-t-on épisodiquement au fil de l’album des morceaux évoquant la grande époque, sans jamais , hélas, parvenir à la hauteur de leurs illustres aînés.
Le morceau éponyme, et premier single, est un exemple typique : intro de gens qui causent, sirène hurlant dans le fond, et un gros riff bien tranchant pour sonner le départ. Le son est très saturé, Les solos de Finck et Buckethead sont très bien amenés et parfaitement exécutés, quoi qu’on sente tout de suite que Slash n’est plus là ( il aurait tenu chaque note un peu plus longtemps), la voix nasillarde et éraillée d’Axl balançant des textes empreints de paranoïa et d’envie d’en découdre. C’est du tout bon. Ce qui marque au premier abord c’est la présence, que l’on pourrait qualifier envahissante, de la production. Le son est très touffu, ça manque un peu d’air.
C’est un reproche que l’on pourrait adresser à pratiquement tout l’album, puisque entre les nappes de synthés, les bidouillages électroniques divers, les couches de guitares superposées et l’orchestre on a un peu de mal à respirer.
D’un autre côté, il fallait bien justifier la longue gestation du bestiau.
Better, le deuxième extrait, tente lui aussi de renouer avec la tradition, malgré une introduction évoquant une comptine enfantine. Toute la progression vers le refrain rappelle les envolées guitaristiques de Estranged voire quelques morceaux de Dream Theater. Le refrain lui-même sonne très Guns de la grande époque, et les paroles , une fois de plus, regorgent de parano.
I.R.S, qui ne parle pas des impôts, contrairement à ce que son titre laisserait penser, sonne elle aussi très Guns classique, mais avec une pointe de modernisme. On se dit que si le groupe était encore ensemble ils pourraient sans doute écrire des trucs comme ça.
Mais au-delà de la nostalgie, cet album est l’occasion pour Axl d’enfin exploiter toute la palette de son talent et d’utiliser toutes les idées qui ne seraient jamais passées avec ses anciens amis.
Ainsi, le deuxième morceau de l’album, Shackler’s Revenge met tout de suite les pendules à l’heure : une intro toute en distorsion d’harmoniques, genre Fear Factory, chant plus grave, boucles samplées, boite à rythme on dirait presque de l’industriel. Même les solos jouent dans le bizarroïde. Mais ce n’est pas désagréable.
Sorry est une power ballade dont le refrain n’est pas sans rappeler du Metallica.
Axl adore le piano, ça on le savait, mais il adore aussi les orchestres. Il n’a jamais caché son envie d’amener Guns n Roses à un autre niveau que celui de simple( !) groupe de rock, et sur cet album il s’est bien amusé. Sur Street Of Dreams, où il se la joue crooner, There Was A Time qui rappelled méchamment November Rain et Estranged, et surtout Madagascar, sans doute la chanson la plus ambitieuse de l’album, où la mégalo d’Axl se lâche à plein régime : c’est presque du progressif, changement d’ambiance toutes les deux minutes, extraits samplés du célèbre discours de Martin Luther King entrecoupés d’autres trucs , dont l’intro de Civil War( !). Il fallait oser.
Mais Axl a aussi un côté romantique, et les deux chansons d’amour que sont This I Love et If The World sont de véritables bijoux. Ce sont d’ailleurs mes chansons préférées de tout l’album. This I Love est une jolie balade au piano qui gagne en puissance graduellement à mesure que les instruments se greffent sur la mélodie, orchestre, guitares, batterie, piano tout se fond en un final grandiose. Mais ma préférée des préférées est If The World, qui est plutôt soul que rock : une basse très funk et très présente, une guitare arabo-andalouse (encore Buckethead), un piano à la Aladdin Sane de Bowie, des nappes de violons, une guitare rythmique très grave, un solo très enlevé, un véritable chef d’œuvre.
Le reste est plus dispensable, même si non dénué d’interêt.
Catcher In The Rye s’essoufle vite ( on croit par deux fois que la chanson est finie, et pour tout dire on l’espère !), Scraped est une chanson très rapide, aux vocaux rageurs, bourrés d’effets, à la guitare accordée très bas, Prostitute est plus banale, et Riad And The Bedouins témoigne de l’ignorance d’Axl en matière de politique extérieure, mais au niveau musical se défend.
Chinese Democracy sera sans doute descendu par nombre de déçus, ce qui est inévitable, car il ne sera jamais à la hauteur des attentes. Il a mis trop longtemps à sortir, il a coûté trop d’argent, et le nom des Guns N Roses est pratiquement devenu une légende. Cependant, il mérite largement le détour.
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