vendredi 30 janvier 2009

CHE - Steven Soderberg

Evocation , à travers deux moments-clés de sa vie, du destin d'Ernesto "Che" Guevarra, devenu l'incarnation de la guerilla et de la lutte anti-impérialiste.




Deux films, un casting trois étoiles, plus de quatre heures de métrage au total, il fallait bien ça pour rendre compte d'une personalité aussi complexe que légendaire.
Deux films, deux époques, deux parcours opposés, un seul destin.
Quarante deux ans après sa mort le "Che" n'a jamais été aussi populaire. Depuis 2002 au moins un film parlant de lui sort sur grand écran ou à la télévision. Dès 1968, un an après son éxécution par l'armée bolivienne, il est le sujet d'un film où il est incarné par Francisco Rabal. L'année suivante, c 'est Omar Sharif qui endosse son treillis. Même les Monty Pythons le mettront en scène, et plus récemment c 'est la vedette espagnole Edouardo Noriega qui lui a prêté ses traits.
Alors, après plus de vingt resurrections par écran interposé, ce film était-il vraiment utile?
N'ayant vu aucun des autres la réponse est, pour ma part, bien entendu oui. Tout d'abord, et surtout pour Benicio Del Toro, co-producteur du film , qui s 'est tant investi dans son rôle qu'il se confond littéralement avec la légende. C'est bien simple: prenez une photo du "Che", prenez une photo de Del Toro dans le film, il est quasiment impossible de faire la différence. Del Toro ne joue pas, il EST "Che" Guevarra, et son prix d'interprétation à Cannes est amplement mérité.
La réalisation ensuite. Le style de Soderberg, essentiellement caméra à l'épaule, colle parfaitement à l'esprit "guerilla" qui anime le film, et rend perceptible le sentiment d'urgence et l'inquiétude qui animent les protagonistes. Il confère aussi au métrage une qualité presque documentaire, faisant écho aux images qui arrivaient à l'époque aux Etats Unis du front Viet-Namien.
Le scénario, lui, se concentre sur les deux moments les plus célèbres de la vie de guerillero de Guevara, les deux épisodes qui ont forgé sa légende: le combat, au côté de Fidel Castro ( l'acteur qui l'incarne mériterait d'ailleurs lui aussi un prix!) à la tête de la révolution cubaine, du débarquement en novembre 1956 avec 80 hommes , qui ne seront bientôt plus qu'une vingtaine, à la prise de Santa Clara près de trois ans plus tard qui leur ouvrit les portes de La Havanne, et ensuite son aventure Bolivienne, son dernier combat. De fait le film fait oeuvre élégiaque. On ne voit jamais le "Che" faire quelque chose de mal. Face au courant de pensée actuel qui cherche à discréditer l'héritage des années 60, Soderberg fait vent debout et se positionne résolument du côté de la légende. D'ailleurs certains dialogues sont des citations au mot près soit des discours de Guevara soit de ses écrits ou de témoignages de ses partisans.
"L'Argentin", la première partie, témoigne de l'apprentissage de Guevarra au coeur des troupes de castro, dont il deviendra rapidement un des dirigeants, alors qu'il n 'est pas Cubain et qu'il souffre d'asthme. Entièrement dévoué à Fidel, il assume les missions les plus ingrates sans broncher, jusqu'à ce que son heure de gloire advienne avec la prise de Santa Clara. On le voit alphabétiser ses troupes en pleine jungle entre deux marches, gérer un hôpital de campagne, entrainer les jeunes recrues, bref il se frotte à tous les aspects de la guerilla.
"Guerilla", le deuxième film, s'ouvre sur la disparition du Che. En 1965, alors qu'il est numéro deux du régime castriste, il disparaît de la vie publique. On le retrouve un an plus tard en Bolivie où il est venu étendre la guerilla. Mais évidemment tout le monde sait comment celà finira. C'est ici que le plus grand défaut de Guevara apparait au grand jour. Il est trop impatient. Ce n 'est pas un politicien comme Castro, et il ne parvient à s'imposer ni parmi les opposants au régime du général Barrientos ( excellent Joaquim de Almeida) ni auprès de la population. Sans compter l'implication de la CIA.
Derrière ses allures de documentaire, "Che" reste pourtant un vrai film de cinéma, et Soderberg a recours aux techniques habituelles de caractérisation pour faire ressortir tel ou tel compagnon de route de Guevara (le cas du "Vaquerito" en est un bel exemple).
Cependant, même s'il se laisse suivre comme un film d'aventure, certains passages prennent une toute autre dimension une fois que l'on s 'est documenté sur les personnages et la période.
C'était peut être là le princupal mérite de ce film , et ce qui en fait la véritable importance: le fait qu'on ressorte de la projection la tête pleine de questions avec l'envie d'en savoir plus.

vendredi 23 janvier 2009

JACK IS BACK!!!


Depuis quelques semaines, et pour la première fois depuis deux ans, la télévision américaine diffuse de nouveaux épisodes de la série 24 (24h chrono chez nous, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué , franchement ?).
Grâce à des moyens malheureusement réprouvés par la loi, j’ai pu m’abreuver les mirettes des nouveaux exploits de notre agent anti-terroriste préféré, et bon sang qu’est-ce que ça fait du bien !
Un téléfilm de deux heures ( en fait une heure et demie, mais avec la pub ça fait deux heures aux States) avait déjà été diffusé en novembre, et la septième ( 7 !!!) saison de 24 y fait directement suite. Obligé, pour sauver des enfants ( quel héros ce jack!) après deux ans de cavale, de se rendre aux représentants de l’autorité américaine dans un pays d’Afrique noire en pleine guerre civile, Jack Bauer doit désormais répondre de ses actes devant une commission sénatoriale, en attendant un procès. Mais voilà qu’une nouvelle menace surgit à l’horizon , qu’il va falloir affronter avec toute la poigne et l’énergie dont seul est capable Jack Bauer, et celui-ci est aussitôt remis en liberté pour assister le FBI ( la CTU a été démantelée).
La série colle plus que jamais à l’actualité ( après tout, n’a – t-elle pas anticipé, avec le personnage de David Palmer, l’élection d’un président noir ?). Née juste après le 11 Septembre, elle symbolisait la volonté du peuple américain de ne pas se laisser faire, d’utiliser tous les moyens à sa disposition pour combattre le terrorisme. Et Jack ne se privait pas pour torturer les suspects, dans la deuxième saison il décapite même un détenu pour faire parler un terroriste!
Mais voilà, Barack Obama est passé par là ; il est désormais temps de faire le bilan de l’administration sortante, et il n’est guère glorieux. L’audition , rapidement interrompue, (heureusement, sinon il n’y aurait pas de série) de Jack Bauer est à ce titre des plus éloquentes. Le pauvre agent, qui a tout sacrifié à son pays ( il a perdu sa femme et sa fille ne lui parle plus, sans parler de tous ses amis morts au fil des saisons précédentes), doit se justifier d’avoir torturé des suspects au mépris des droits civiques les plus élémentaires. Mais lui au moins n’avait pas besoin de se cacher à Guantanamo! En vrai patriote, il opérait sur le territoire des Etats Unis! C’est peut être ça qui gênait tant les sénateurs après tout…
Malgré tout, même pour un public non Américain, ou peut être même surtout pour un public non Américain ( au hasard… moi), les aventures de Jack Bauer ont toujours été des plus divertissantes. Chaque épisode apportait son lot de situations invraisemblables, d’action échevelée, de jack hurlant dans son téléphone portable , de ses amis recalibrant des satellites de surveillance en deux minutes, de terroristes fourbes, de victimes innocentes, on se croyait presque revenu aux années 80, alors que Chuck Norris liquidait des ennemis de l’Amérique par paquets de douze!
La thème choisi par les scénariste est cette fois ci l’Afrique noire, où se déroulent depuis des années des génocides sans que l’opinion internationale ( et surtout Américaine) ne réagisse ( ça change des sempiternels terroristes musulmans). Mais le véritable danger pour Jack est représenté par son ami Tony Almeida ( il était pas mort lui ?) qui semble être passé à l’ennemi.
Les Quatre premiers épisodes sont très prometteurs, laissant augurer d’une des meilleures saisons depuis longtemps ( il y en a qui ont profité de la grève des scénaristes, c’est pas comme ceux qui s’occupent de Heroes !). Bien sûr le sous-texte politique n’est qu’une excuse, tout ce qu’on veut c’est revoir Jack à l’œuvre, et pour le moment il ne déçoit pas !
Go Jacky !

jeudi 15 janvier 2009

20th CENTURY BOYS - Yoshihiko Tsutsumi

1969 : Kenji et sa bande de copains passent leurs vacances d'été à rêver de l'exposition universelle d'Osaka et à s'inventer un scénario catastrophe de fin du monde depuis une base secrète improvisée dans un terrain vague. A cette époque, Kenji voulait devenir une rock star et sauver l'humanité.1997 : Kenji aide sa mère dans la supérette de quartier tout en jouant la baby-sitter pour sa nièce Kanna. Ses rêves de gamin resurgissent lorsque la police le questionne sur une mystérieuse organisation dont le symbole serait identique à celui inventé dans le "cahier des prédictions" de sa bande lorsqu'il était enfant.



20th Century boys est le premier chapitre d’une trilogie adaptée d’un manga de Naoki Urasawa débuté en 1999 et terminé en 2007. Malgré de nombreuses sollicitations dues au succès de sa série, le mangaka a attendu d’avoir terminé son histoire avant d’en céder les droits d’adaptation, contrairement à ce qui se fait habituellement en pareil cas dans ce milieu. Autre particularité, les producteurs ont décidé de réaliser directement une trilogie et non d’attendre l’éventuel succès d’un premier film pour envisager des suites. L’histoire se déroulant sur plusieurs époques et progressant par d’incessants flashbacks, dont une bonne partie remontant à l’enfance des personnages, cette décision a permis de filmer toutes les scènes avec les enfants d’une traite, ce qui est toujours un avantage étant donné la vitesse à laquelle les enfants grandissent.
Ne connaissant pas du tout le manga, je ne peux juger que le film en lui-même, et malgré un petit côté téléfilm, il se laisse suivre sans ennui. Les acteurs font corps avec leurs personnages, les enfants sont très naturels, l’histoire est suffisamment intrigante pour maintenir l’intérêt tout le long des 2h20 que dure le métrage. D’ailleurs ces flashbacks vers l’enfance alors que leurs versions adultes s’apprêtent à affronter une catastrophe n’est pas sans rappeler « It » (« Ca » en livre, « ‘Il’ est revenu » à la télé) de Stephen King. On a vu pire comme référence. Cette histoire de secte maléfique qui cherche à prendre le pouvoir en répandant des agents biologiques doit de plus avoir une résonnance particulière au Japon.
Un premier épisode prometteur, vivement la suite !

dimanche 11 janvier 2009

VERITES ET MENSONGES (F FOR FAKE- 1975)- Orson Welles


Toujours occupé à la finalisation de son Don Quichotte, boudé par les producteurs, Orson Welles s’occupe comme il peut. Il fait de la télévision, tourne comme acteur pour d’autres réalisateurs, et filme de temps en temps, accumulant des projets qui restent pour la plupart inachevés par manque d’argent. L’un d’eux finit cependant par voir le jour en 1975 : F For Fake ( Vérités et Mensonges en vf), une sorte d’essai filmique sur le thème de la vérité, de l’art, et des faussaires. Le film commence à Ibiza par une évocation de la vie du plus célèbre peintre faussaire du XXè siècle, Elmyr de Hory, dont même le nom est sujet à caution. Peintre prodige, mais dont les œuvres ne se vendent pas, celui-ci, d’abord pour subsister, se met à faire des faux qui abusent tous les experts. La supercherie sera dévoilée par un écrivain qui avait lui-même du mal à vendre ses romans, Clifford Irving, lui-même impliqué dans une escroquerie mettant en cause Howard Hughes. Au début du film, Welles, en présentant le sujet de son œuvre (les Faussaires, le travestissement de la réalité), nous assure que bien qu’il se considère lui-même comme un charlatan, il ne nous dira que la vérité pendant l’heure qui va suivre, mais le film durant près d’une heure et demi, il finit bien entendu par nous raconter des bobards. Car Welles aimait avant tout raconter des histoires, captiver son auditoire, comme en atteste la séquence de la fête dans le Château en Espagne de Gregory Arkadin. On en retrouve ici des échos, puisque Welles se met en scène au restaurant, conteur jovial abreuvant un auditoire pendu à ses lèvres, ou encore dans des séquences de pique-nique, mettant en évidence l’hypocrisie au cœur de l’acte documentaire: dès que la caméra tourne, il y a mise en scène, et dès qu’il y a montage il y a manipulation. On retrouve d’ailleurs très vite Welles dans sa salle de montage, alors qu’il est apparemment en train d’assembler son documentaire, une façon de nous rappeler que c’est lui et personne d’autre qui mène le bal. Des petits interludes où on le voit faire ses tours de magie, ou des digressions sur les débuts de sa carrière ont le double rôle d’enrichir le récit et d’embrouiller le spectateur. Le documentaire, en effet, semble parfois se perdre dans des digressions bizarres, mais toujours fascinantes, passant du récit de la propre expérience de peintre de Welles à la vie d’ermite de Howard Hughes en passant par le séjour de Picasso dans une petite ville balnéaire du sud de la France. Le tout donne une impression équivalente au « Stream of counsciousness » cher à certains écrivains, l’illusion que l’artiste passe d’une chose à l’autre comme s’il exprimait tout ce qui lui passe par la tête au moment même où celles-ci s'imposent à son esprit. Cela fait aussi de ce film une sorte de réflexion sur le processus créatif: en tournant un film d’autres idées apparaissent qui donnent naissance à un autre film qui s’imbrique dans le premier et ainsi de suite. Mais rien n’est ici laissé au hasard, et c’est bien à une manipulation que se livre Welles, ainsi qu’à une critique des soit-disants experts qui décident péremptoirement de ce qui est vrai ou pas, de ce qui est de l’art ou non. Pour autant, F For Fake n’a rien d’un pensum lourd et indigeste, la truculence de Welles en fait une expérience des plus plaisantes et des plus fascinantes. Une supercherie d’une telle honnêteté qu’elle ne peut que rendre heureux celui qui en est la victime consentante. Puisque la réalité elle-même est sujette à caution, qu’au moins le mensonge soit beau.