Deux films, un casting trois étoiles, plus de quatre heures de métrage au total, il fallait bien ça pour rendre compte d'une personalité aussi complexe que légendaire.
Deux films, deux époques, deux parcours opposés, un seul destin.
Quarante deux ans après sa mort le "Che" n'a jamais été aussi populaire. Depuis 2002 au moins un film parlant de lui sort sur grand écran ou à la télévision. Dès 1968, un an après son éxécution par l'armée bolivienne, il est le sujet d'un film où il est incarné par Francisco Rabal. L'année suivante, c 'est Omar Sharif qui endosse son treillis. Même les Monty Pythons le mettront en scène, et plus récemment c 'est la vedette espagnole Edouardo Noriega qui lui a prêté ses traits.
Alors, après plus de vingt resurrections par écran interposé, ce film était-il vraiment utile?
N'ayant vu aucun des autres la réponse est, pour ma part, bien entendu oui. Tout d'abord, et surtout pour Benicio Del Toro, co-producteur du film , qui s 'est tant investi dans son rôle qu'il se confond littéralement avec la légende. C'est bien simple: prenez une photo du "Che", prenez une photo de Del Toro dans le film, il est quasiment impossible de faire la différence. Del Toro ne joue pas, il EST "Che" Guevarra, et son prix d'interprétation à Cannes est amplement mérité.
La réalisation ensuite. Le style de Soderberg, essentiellement caméra à l'épaule, colle parfaitement à l'esprit "guerilla" qui anime le film, et rend perceptible le sentiment d'urgence et l'inquiétude qui animent les protagonistes. Il confère aussi au métrage une qualité presque documentaire, faisant écho aux images qui arrivaient à l'époque aux Etats Unis du front Viet-Namien.
Le scénario, lui, se concentre sur les deux moments les plus célèbres de la vie de guerillero de Guevara, les deux épisodes qui ont forgé sa légende: le combat, au côté de Fidel Castro ( l'acteur qui l'incarne mériterait d'ailleurs lui aussi un prix!) à la tête de la révolution cubaine, du débarquement en novembre 1956 avec 80 hommes , qui ne seront bientôt plus qu'une vingtaine, à la prise de Santa Clara près de trois ans plus tard qui leur ouvrit les portes de La Havanne, et ensuite son aventure Bolivienne, son dernier combat. De fait le film fait oeuvre élégiaque. On ne voit jamais le "Che" faire quelque chose de mal. Face au courant de pensée actuel qui cherche à discréditer l'héritage des années 60, Soderberg fait vent debout et se positionne résolument du côté de la légende. D'ailleurs certains dialogues sont des citations au mot près soit des discours de Guevara soit de ses écrits ou de témoignages de ses partisans.
"L'Argentin", la première partie, témoigne de l'apprentissage de Guevarra au coeur des troupes de castro, dont il deviendra rapidement un des dirigeants, alors qu'il n 'est pas Cubain et qu'il souffre d'asthme. Entièrement dévoué à Fidel, il assume les missions les plus ingrates sans broncher, jusqu'à ce que son heure de gloire advienne avec la prise de Santa Clara. On le voit alphabétiser ses troupes en pleine jungle entre deux marches, gérer un hôpital de campagne, entrainer les jeunes recrues, bref il se frotte à tous les aspects de la guerilla.
"Guerilla", le deuxième film, s'ouvre sur la disparition du Che. En 1965, alors qu'il est numéro deux du régime castriste, il disparaît de la vie publique. On le retrouve un an plus tard en Bolivie où il est venu étendre la guerilla. Mais évidemment tout le monde sait comment celà finira. C'est ici que le plus grand défaut de Guevara apparait au grand jour. Il est trop impatient. Ce n 'est pas un politicien comme Castro, et il ne parvient à s'imposer ni parmi les opposants au régime du général Barrientos ( excellent Joaquim de Almeida) ni auprès de la population. Sans compter l'implication de la CIA.
Derrière ses allures de documentaire, "Che" reste pourtant un vrai film de cinéma, et Soderberg a recours aux techniques habituelles de caractérisation pour faire ressortir tel ou tel compagnon de route de Guevara (le cas du "Vaquerito" en est un bel exemple).
Cependant, même s'il se laisse suivre comme un film d'aventure, certains passages prennent une toute autre dimension une fois que l'on s 'est documenté sur les personnages et la période.
C'était peut être là le princupal mérite de ce film , et ce qui en fait la véritable importance: le fait qu'on ressorte de la projection la tête pleine de questions avec l'envie d'en savoir plus.
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