jeudi 12 mars 2009

Who Watches The Watchmen?


Plus de vingt ans après sa parution, deux decennies de “developpement hell” après la sortie de son premier numéro, l’adaptation de l’oeuvre phare d’Alan Moore et Dave Gibbons prend vie sur les écrans du monde entier.
C’est un succès, aussi bien du point de vue économique que critique ( même si quelques voix discordantes, comme toujours, se font entendre), mais est-ce une bonne nouvelle pour autant ?
Que faut-il penser de cette tendance à adapter comics, mangas et bandes dessinées diverses à l’écran?
Certains argueront que là au moins « les images bougent », donc c’est plus facile à suivre, d’autres diront que la bande dessinée a de tout temps été la petite sœur du 7è art, ce qui sous-entend qu’elle lui est inférieure justifiant ainsi l’adaptation, d’autres encore que le récit touche ainsi plus de monde (on lit de moins en moins, de la bd comme autre chose), d’autres enfin, plus réalistes, diront que si une bd rapporte du fric, un film qui sera tiré en rapportera aussi !
Le raisonnement purement mercantile derrière ces opérations laisse de côté de nombreuses interrogations. Une œuvre, quelle qu’elle soit, ne devrait-elle pas se suffire à elle-même? La bande dessinée n’est-elle pas une forme d’art à part entière? A-t-elle besoin de répondre à l’appel des sirènes d’Hollywood pour exister? Le cinéma est-il à ce point en crise qu’il ne peut plus alimenter les salles qu’en cherchant l’inspiration ailleurs? Et surtout, une bande dessinée n’est-elle qu’un storyboard amélioré qu’il suffirait de suivre pas à pas pour en réaliser une adaptation fidèle ?
C’est en tout cas ce que semble penser Zack Snyder qui reproduit ici la recette appliquée au 300 de Frank Miller. En voyant le film on a vraiment l’impression que les cases se sont animées, mais cela fait-il forcément de Watchmen- le film un bon film, ou même une bonne adaptation?
Derrière chaque planche, derrière chaque case, derrière chaque trait du comic book de Moore et Gibbons il y avait une profonde réflexion sur la nature, l’histoire et la fonction du comic-book. Je doute fort qu’il en aille autant de chaque photogramme du film de Zack Snyder. Moore et Gibbons profitaient du format épisodique de leur bande dessinée pour se approfondir leurs personnages ; appliquée à un film de 2h45 cette technique donne une impression de pagaille narrative; on passe arbitrairement de la voix intérieure d’un personnage à celle d’un autre, et l’effet se rapproche de celui obtenu avec les films à sketches, peut être d’ailleurs Snyder aurait-il du davantage s’en inspirer. Enfin, à quoi bon évoquer de nos jours un 1985 uchronique, fruit de l’apparition du seul surhumain de la planète dans les années 60? Ne risque-t-on pas de perdre en route la majorité des spectateurs potentiels qui, dit-on, ne sont guère férus d’histoire?
Watchmen-Le Comic-Book, était une œuvre adulte, complexe, exigeante. Vouloir en faire un produit de consommation de masse est à coup sûr la dénaturer. La bande-annonce était déjà assez mensongère dans sa tentative de séduire les fans de films d’action. Le film lui-même va un peu plus loin en en rajoutant dans le gore et la violence, histoire d’appâter le chaland, et laissant de côté de nombreux aspects psychologiques.
Pour autant le film est loin d’être mauvais. La photographie est superbe, les acteurs excellents, la direction artistique irréprochable… Il est même beaucoup plus complexe que la plupart des films de super héros. Mais il doit toutes ses qualités à l’incroyable richesse du comic-book qui, même dénaturé, reste un véritable monument, mais certainement pas à Zack Snyder qui se spécialise de plus en plus dans les adaptations à l’image près et oublie de construire une œuvre personnelle.
Son succès est même son plus grand défaut, car les millions qu’il rapporte vont appeler d’autres adaptations du même tonneau, et comme de nos jours on peut véritablement tout faire au cinéma, je vois mal les producteurs se gêner.
Seulement être capable de faire n’importe quoi justifie-il qu’on doive absolument le faire ?

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