vendredi 31 octobre 2008

FALSTAFF ( CHIMES AT MIDNIGHTS) - ORSON WELLES - 1966

Le fils du roi HenryIV d'Angleterre, le jeune prince Harry, mène une vie de débauche en compagnie de vauriens dont le déjà vieux et obèse Jack Falstaff ( Orson Welles), l'homme de tous les excès. Tandis que le roi se désole de la conduite de son fils, une nouvelle guerre civile se prépare. Elle sera l'occasion pour Harry de se refaire une conduite.


Adaptation cinématographique de la pièce Five Kings, que Welles avait essayé de monter dans les années 30 puis en 1960, basée sur le cycle de pièces historiques de Shakespeare ( Richard II, Henry IV , Henry V, Richard III et Les Joyeuses Commères De Windsor). Tourné en Espagne pour un million de dollars ( soit moins que Le Procès) avec une distribution internationale où l'on retrouve Jeanne Moreau, le grand acteur shakespearien John Gielgud, Marina Vlady, Fernando Rey, le très "branaghien" Norman Rodway et la toute jeune Beatrice Welles ( fille du réalisateur et de sa dernière épouse Paola Mori) Falstaff est en quelque sorte le testament cinématographique de Welles, il dira d'ailleurs qu'il aurait préféré qu'on se souvienne de lui pour ce film plutôt que pour Citizen Kane.

Grand admirateur de Shakespeare ( il connaissait pratiquement par coeur l'intégrale des pièces dès l'adolescence) ce projet lui tenait particulièrement à coeur, et il lui a dévoué toute son énergie, concevant lui-même tous les costumes et le seul décor construit pour le film; l'auberge où Falstaff et ses compagnons passent le plus clair de leur temps a été construite dans un garage, moins cher à louer qu'un studio. Tout le reste, le château, les murailles, la rue du village... a été déniché dans la campagne espagnole, le chateau était par exemple à l'origine une église abandonnée.

Un budget aussi serré impose de nombreuses contraintes. Tous les plans nécessitant que John Gielgud soit vu de face furent tournés en 10 jours, les engagements de la star ne lui permettant pas de rester plus longtemps sur le tournage, obligeant Welles à avoir recours une nouvelle fois aux techniques de camouflage utilisées sur Othello: doublures de dos ou encapuchonnées, Welles lui-même doublant certains acteurs qui ne pouvaient assurer la post-synchronisation ( il a ainsi doublé 5 personnages sur ce film , et 11 sur Le Procès, dont Perkins lui-même). Dans certaines scènes aucun des acteurs présent à l'écran n 'est celui qu'il est censé être.

Falstaff conforte Welles dans sa conception du film en tant qu'oeuvre essentiellement de montage. La post-production est donc très longue. La longue scène de bataille qui départage les deux parties du film necessita ainsi, outre les 10 jours de tournage, six semaines de montage à elle seule. Le jeune réalisateur de seconde équipe apprit énormément sur ce film ce qui lui permit d'entamer une longue et prolifique carrière sous le nom de Jess Franco.

La prouesse de Welles , au delà de la technique cinematographique "habituelle" réside ici dans le scénario. Adapter une pièce du barde de Stratford n'est jamais chose aisée, mais aller chercher dans plusieurs pièces une histoire parallèle relève de l'exploit. Connaissant son Shakespeare sur le bout des doigts il est parvenu à utiliser des intrigues secondaires pour les réunir en un seul récit cohérent, un film sur la vieillesse, mettant en parallèle le père du futur Henry V et son père de substitution. Tandis que l'un s'inquiète de l'avenir et de la légitimité de sa lignée et se sent abandonné par son fils , l'autre tient pour acquis l'amour du jeune prince sans se douter qu'une fois roi celui-ci aura d'autres obligations. La scène du couronnement du jeune Henry V est bouleversante.

Si Falstaff, la pièce puis le film, est autant une création de Welles que de Shakespeare, John Falstaff, le personnage, a été taillé sur mesure pour l'acteur. Welles était né pour incarner cet homme-monde tour à tour drôle et tragique, truculent autant que comiquement lâche, à la mythomanie généreuse, à l'amitié indefectible et à l'amour inconditionnel. Un personnage "larger than life" à la mesure du personnage Welles.

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