mardi 2 septembre 2008

MACBETH - Orson Welles - 1948

Dans l'Ecosse médiévale, Macbeth, un chevalier parmi les plus fidèles à son roi, croise sur sa route après une bataille décisive un trio de sorcières qui lui prédisent qu'il sera roi. Perturbé par cette rencontre il en fait part à son épouse, Lady Macbeth, qui le pousse à accomplir sa destinée, quitte à lui donner un petit coup de pouce, en tuant le roi par exemple. Devenu souverain , Macbeth, rongé par le remord, sombre peu à peu dans la paranoia et la folie, et se conduit de plus en plus en tyran sanguinaire.




Définitivement grillé à Hollywood après les echecs successifs de tous ses projets personnels, Welles fait le tour des petites compagnies pour produire sa première adaptation cinématographique de William Shakespeare, en grand admirateur qu'il est du Barde de Stratford ( il était acteur et metteur en scène de theâtre depuis l'adolescence).

C 'est finalement auprès de la Republic, spécialisée dans les westerns, films d'horreur et serials à petit budget qu'il trouve un (modeste) financement.

Entouré d'une équipe d'acteurs de theâtre chevronnés ( Parmi lesquels on retrouve Roddy "Cornelius" Mc Dowall et Daniel O'Herlihy, le patron de l'OCP dans Robocop) qu'il a longuement fait répêter en amont du tournage pour s'assurer qu'il connaissent leur texte par coeur, équipé de costumes récupérés par-ci par-là, dans des décors pas vraiment adaptés à ce qu'on attendrait d'une pièce shakespearienne, Welles tourne en 21 jours, en exploitant tous les éléments à sa disposition pour au final livrer une vision très personnelle de Macbeth, qui , une fois de plus, déconcertera le public ( du moins le public anglo-saxon).

Et pourtant ses choix étaient tous plus que judicieux, à commencer par les décors de films d'horreur, représentant à merveille le paysage mental torturé du personnage principal , ainsi que la sauvagerie de l'histoire, ce que soulignent aussi les peaux de bêtes qui habillent les acteurs, donnant au film une apparence de récit du début des âges.

Les plus vives critiques, cependant , concerneront l'accent écossais utilisé dans le film , ce qui peut paraître logique , puisque l'action est censée se dérouler au pays des Lochs, mais le public américain , ainsi que la critique, habitués aux adaptations "classiques" de Shakespeare ( genre Lawrence Olivier) considèrent cela comme une trahison de leur dramaturge emblématique.

Qu'arriva-t-il après la première mondiale? ceux qui ont répondu " Welles fut obligé de remonter et de couper son film " gagnent un mars!Welles remonta lui-même ( pour une fois) son film , coupant certains passages qui avaient indisposé les spectateurs, et rappela ses acteurs pour post-synchroniser à nouveau le film, avec un accent plus "shakespearien". C 'est dans cette version que le reste du monde a pu découvrir le Macbeth de Welles, qui était déjà magnifique en l'état. Mais même ainsi le film fut froidement reçu aux USA et en Angleterre, alors que pratiquement partout ailleurs où il fut montré il reçu des critiques élogieuses, chacun s'accordant à souligner la maîtrise technique de l'oeuvre malgré son budget de misère, les choix judicieux de mise en scène , d'éclairages, d'utilisation du décor et de la brume ( originellement utilisée pour masquer le manque de décors , mais qui s'accorde bien avec l'ambiance générale du film), ainsi que les décisions de Welles concernant le texte lui-même: création de personnages n'apparaissant pas dans la pièce, répliques échangées entre certains personnages ( chose qu'il faisait déjà au theâtre par ailleurs, mais le public du cinéma n 'est pas le même que le public du theâtre et supporte moins facilement ce genre de "trahison").

Macbeth marque un tournant dans la carrière de Welles: ce fut le dernier film qu'il tourna dans les années 40, son premier film en dehors du système des grands studios, sa première adaptation de Shakespeare ( suivront Othello et Falstaff qui mélange trois pièces), son premier film quasiment auto-produit, et ce sera le début du Welles "artiste maudit", obligé de composer avec des moyens ridicules, courant le cachet pour trouver de quoi financer des oeuvres accouchées dans la douleur, mais traversées de fulgurances géniales telles qu'elles demeurent des chefs d'oeuvres du 7è art.

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