Depuis le temps que l'envie me démangeait de courir un marathon, il fallait bien qu'un jour je me jette à l'eau.
Malgré une préparation guère sérieuse, des performances en demi teinte lors de mes dernières courses et des douleurs récurrentes au genou droit j'avais tout de même décidé de prendre le départ de la Route Du Louvre, le marathon qui se court chaque année depuis 5 ans entre Lille et Lens.
Soit je suis cinglé, soit je suis maso, ou alors complétement inconscient. Quoi qu'il en soit, le sort en est jeté.
Les travaux ayant débuté sur le site traditionnel du départ, la course a lieu cette année en sens inverse, de Lens à Lille. Un coup d'oeil au profil du parcours m'informe qu'ainsi on évite une côte redoutable à 5 km de l'arrivée, que nous descendrons donc en début d'épreuve. Le reste est relativement plat. Idéal pour un premier marathon, donc.
Dimanche 16 mai, de bon matin, je me mets en route pour la gare toute proche afin de prendre la navette qui me conduira sur le lieu du départ. La température est fraîche, mais le ciel se dégage à vue d'oeil. Le temps sera clément sur le parcours, j'espère juste qu'il ne fera pas trop chaud.
La gare est investie d'une foule bigarrée en tenue de sport scrutant le panneau d'affichage afin de guetter l'arrivée des deux trains spéciaux mis à disposition des coureurs. Il faudra patienter encore un peu, la première navette étant annoncée avec cinq minutes de retard. Il en faut plus pour assombrir l'humeur enjouée des voyageurs qui plaisantent et se prennent en photo.
Lorsque le premier train arrive c 'est une véritable marée humaine qui déferle vers le quai et tous les wagons sont rapidement remplis. Je parviens à trouver une place assise, non loin d'un trio portant les couleurs des 3 Suisses.
Le voyage est court, moins d'une demi heure, et semble moins long encore au milieu des conversations et des rires des voyageurs.
Arrivée à Lens la foule compacte embouteille la gare, et il faudra sauter par dessus les barrières pour pouvoir gagner le stade Bollaert, à un petit quart d'heure à pied de là.
Le parking de la mythique arène est déjà noir de monde. Entre les participants, les camions des sponsors et les bus pour les relayeurs on a du mal à trouver un endroit où poser le pied.
J'avise un camion où l'on distribue de gros sacs noirs; c 'est en fait un service de transport des bagages, les coureurs mettent leurs effets dans les sacs sur lesquels on inscrit leur numéro de dossard ce qui leur permettra de récupérer leurs affaires à l'arrivée. Si j'avais su j'aurais pris mon appareil photo. Tant pis, je prends tout de même un sac et y mets mon pull.
Il est temps de gagner la ligne de départ. En passant devant le stand d'une banque sponsorisant la course, je remarque les meneurs d'allure, reconnaissables aux manches à air flottant au bout d'une tige fixée à leur sac à dos et repère celui des 4h30. Mon objectif du jour: ne pas quitter cet homme d'une semelle!
Arrivé sur la ligne de départ ( enfin, trois cent bons mètres derrière, il y a du peuple!) je tombe sur un de mes étudiants. Le temps de lui demander comment se sont passés ses examens et nous voilà partis. Il y a tellement de monde que je mets une bonne minute à passer la ligne de départ tandis que devant moi s'écoule le flot multicolore des marathoniens.
Si la plupart prennent la course à peu près au sérieux, d'autres sont clairement venus pour s'amuser; je dépasse ainsi une jeune femme déguisée en balle de golf (!!??), heureusement elle fait partie d'une équipe de relais, elle n'aura donc pas à courir ainsi quarante kilomètres, un type vêtu d'une seyante robe à froufrous ou encore un autre déguisé en fermière, transportant une grosse cloche de vache ainsi qu'un pot à lait; bref, l'ambiance est bon enfant, la température clémente, le soleil commence à percer les nuages, c 'est une journée qui s'annonce bien.
Comme d'habitude, pris par l'atmosphère, on se laisse facilement emporter. Les premiers kilomètres sont avalés en moins de cinq minutes en moyenne, il va nous falloir ralentir si on veut aller jusqu'au bout. D'ailleurs nous rattrapons bientôt le meneur des 4h30 qui était lui aussi parti un peu vite et qui nous donne de sages conseils pour tenir: ne pas chercher à forcer l'allure, ralentir dès que ça fait un peu mal et surtout ne sauter aucun ravitaillement, principalement en liquide, la déshydratation est le pire ennemi du coureur.
Je reste un moment à ses côtés mais je me rends compte que je le distance même en essayant de ne pas courir vite. je décide donc de rester à mon allure et de partir en avant, quitte à me faire rattraper sur la fin.
Arrivés aux dix kilomètres nous avons retrouvés une allure plus raisonnable, un peu plus de dix kilomètres à l'heure, juste ce qu'il faut.
Sur la route aussi l'ambiance est à la fête: on a sorti les géants, les fanfares locales nous accueillent en musique, et les spectateurs nous encouragent en criants nos prénoms, les organisateurs ayant eu la bonne idée de personnaliser les dossards des coureurs.
La course s'appelant la Route Du Louvre, elle allie le sport et la culture, et chaque panneau kilométrique est décoré d'une photo d'une oeuvre du célèbre musée.
Aux alentours du dix-huitième kilomètre, après quelques tentatives pour l'attendre, je distance définitivement mon étudiant, qui semblait avoir déjà quelques difficultés à suivre le rythme. La course emprunte à ce moment les rives d'un canal et les échos d'un ball-trap non loin me font soudain penser au roman de Stephen King "Marche ou Crève".
Je tiens mon rythme de 10 km/h, je passe la mi-course en 2h05 et peu après dépasse mon trio des Trois Suisses. Je m'accroche ensuite à un duo qui semble avoir les mêmes objectifs que moi. Je prends de plus en plus de temps aux ravitaillements, préférant m'arrêter pour boire et remplir mes poches de victuailles plutôt que de chercher la performance. Mon objectif premier est d'aller au bout.
A partir des 25/30 km je dépasse de plus en plus de coureurs qui marchent plus qu'ils ne courent, on entre vraiment dans le dur, d'ailleurs mes jambes se font de plus en plus raides.
Entre le 39è et le 40è km je suis moi aussi obligé d'arrêter de courir afin de me reposer les compas. Ironiquement cela m'arrive juste au moment où nous arrivons sur mon ancien parcours de jogging, à l'époque où j'habitais Loos.
Dans un sursaut d'orgueil je me débarrasse de la bouteille d'eau saisie au dernier ravitaillement et je reprends la course en petites foulées très raides pour attaquer les dernières difficultés du jour: une petite côte ( mais qui fait très mal à ce moment de la course) pour gagner le parc de la citadelle, et l'ascension du pont pour franchir le canal. Plus qu'un kilomètre, mais mes jambes se font de plus en plus lourdes et raides. Je vide mes poches afin de m'alléger au maximum. Enfin j'aperçois le panneau des 42 km et je puise dans les encouragements du public la force d'accélérer et de finir au sprint.
Chrono final 4h18 ( officiellement 4h19 et des poussières, mais j'avais mis mon chrono en route au moment où j'étais passé sur la ligne de départ, non mais!).
Pour une première expérience sur un marathon c 'étais vraiment très sympathique, même si évidemment c 'est de plus en plus dur après les 30 premiers kilomètres, mais on se dit que si on a réussi à tenir jusque là on peut finir. Bien sûr on avait là des conditions idéales: pas de grosse côte à la fin, pas de vent ni de pluie et pas trop de chaleur, mais ça me donne envie de recommencer, d'autant que si j'avais des crampes terribles à l'arrivée et jusqu'à ce que j'aille me coucher, le lendemain il n'y paraissait presque plus, et même mon genou m'a fichu la paix!
Il y a un marathon à Dunkerque en octobre, j'ai bien envie de tenter de nouveau l'aventure à cette occasion.
En attendant: repos! Enfin pas trop quand même, il y a le semi marathon de Phalempin dans un mois!